___
Elle referma le livre d'image d'un coup sec et ce bruit lui évoqua celui d'une porte qui claque.
A quoi bon ? se dit elle in peto. A quoi bon ? Répèta-t-elle à haute voix comme pour interroger les murs autour d'elle, les meubles autour d'elle, le ciel par la fenêtre, le soleil de mars, les
maisons tranquilles alentour...
A quoi bon ? L'écho de sa voix se répercuta sur les fenêtres closes, les portes closes, les coeurs fermés, les tombes scellées de ces morts inconnus d'elle.
A quoi bon ? Enfla sa voix qu'elle ne reconnaisait plus depuis quelques mois, sa voix qui ne savait plus chuchoter, sa voix qui n'obéissait plus à son coeur, qui avait pris une vie autonome, qui
disait ce qu'il fallait dire, qui parlait sans penser.
A quoi bon ? Plus elle criait, plus il lui semblait reprendre possession de cette voix, parvenir à la malaxer comme une boule de terre, l'ajuster au trou béant qu'il lui fallait combler. Elle parvint jusqu'à la porte qui donnait sur le jardin. Elle ne criait plus maintenant mais spalmodiait sa phrase au rythme des larmes qui roulaient de ses yeux à sa bouche. L'herbe sous ses pieds nus n'avait pas encore la douceur qu'elle prend les matins d'été mais peu lui importait au fond.
A l'extrémité du jardin coulait la Loire, mais à quoi bon ?